Le quartier Vauban à Fribourg, présentation d'un projet urbain exemplaire

Le quartier Vauban à Fribourg (D)

Le quartier Vauban s’est développé au sud de Freibourg, à 3 km du centre ville, sur les 38 ha du site d’anciennes casernes de l’armée française, avec pour objectif d’y loger plus de 5000 habitants et d’y créer 600 emplois. La planification du quartier a démarré en 1993 et la phase de réalisation a débuté en 1997.

Au départ le quartier a été promis au promoteurs. Une très forte mobilisation des citoyens a permis de changer l'orientation. Tous les problèmes (mobilité, énergie, logement, aspects sociaux, etc.) ont été discuté dans des groupes de travail composés d'habitants, professionnels et représentants de la commune. Il s'agit d'une expérience inédite en matière de participation citoyenne au développement urbain. Les résultats et méthodes peuvent inspirer des projets en France.

rvb_rue.jpgLa "Wohnstrasse" (rue habitée)

Le concept d'aménagement interdit le stationnement des voitures à l'intérieur du quartier et réduit considérablement la circulation occasionnelle (pour décharger des courses ou les livraisons, par exemple). Le résultat est des rues parfaitement pacifiées, où il fait bon vivre et où les enfant peuvent jouer en toute sécurité. Dès qu'on rentre à l'intérieur du quartier, on sent ce calme et la convivialité des lieux. Ici, il n'est pas nécessaire de créer des espaces spécifiques pour créer du lien. C'est dans la rue que les voisins se croisent, discutent, échangent.

Richesse architecturale

La commune, propriétaire du foncier, décide de commercialiser des mètres linéaires dans une rue au lieu de parcelles. La volonté de créer de la mixité sociale favorise le voisinage direct de différents projets portés par des groupes en autopromotion, des promoteurs conventionnels ou des coopératives d'habitants. On y trouve de temps en temps même une maison individuelle. Les contraintes architecturales se limitent à la performance thermique des bâtiments, le recul par rapport à la voie publique et l'hauteur. Ce concept favorise une liberté de création pour les architectes et le visiteur est souvent frappé par la multitude de couleurs, formes et matériaux.

vb_place.jpgLes lieux publics

De nombreuses places publiques ont été aménagées à l'intérieur du quartier. Elle ouvre l'espace et rend la forte densité (env 80 logements/ha) complètement acceptable. Ces places sont souvent équipées par des aires de jeux et des bancs. De nouveau, les voisins se croisent et les enfants jouent en toute sécurité. L'aménagement de ces espaces a été décidé avec de procédures participatives spécifiques.

La circulation

Les habitants, propriétaires d'une voiture, sont obligés d'acquérir un emplacement (18 k€) dans les garages collectifs (équipés de toitures photovoltaïque) à la périphérique du quartier. Ceux qui ne souhaitent pas posséder de voiture, sont exonérés de cette obligation mais ils doivent s'engager sur l'honneur chaque année de ne pas en posséder. Tous le quartier est adapté aux déplacement doux. Des voies cyclables sont généreuses et bien signaler. Le visiteur est invité à être vigilant. Difficile d'entendre un vélo qui s'approche dans le dos... Le quartier est traversé par une ligne de tram avec trois arrêts qui circule à une forte fréquence (tous les 5 min pendant la journée). Cette politique a permis de limiter le nombre de voitures à 18 par 100 habitants au lieu de 32 en moyenne pour la ville de Fribourg.

vb_immpass.jpgPerformances environnementales

Dans le quartier Vauban a été construit le premier bâtiment de logement collectif de 3 étages correspondant au standard des maisons passives. Les cahiers des charges pour les opérateurs impose maintenant ce standard pour tous les nouvelles constructions. Un système de cogénération collective alimente les logements avec l'eau chaude sanitaire tout en produisant de l'électricité. Elle est alimentée par des copeaux de bois des forêts de la région. De nombreux bâtiments sont en plus équipés par des capteurs photovoltaïque pour produire de l'électricité. 80% des eaux de pluie s'infiltrent dans le sol et ne doivent pas être évacués.

L'histoire participative du quartier Vauban

Objectifs, contexte et acteurs

Suite à la réunification allemande, l’armée française quitte le caserne de Vauban et libère en 1992 un terrain de 42 ha à seulement 3 km du centre ville et au pied d’une zone verte protégée de Schönberg.  La ville de Fribourg connaissait à l’époque un manque important de logements et la ville fait l’acquisition du terrain de l’état fédéral afin d’y réaliser un nouveau quartier. Dans les années suivantes, 2500 logements ainsi que des commerces et surfaces tertiaires ont été réalisés. L’objectif principal a été la création de logements pour des jeunes foyers en ville qui se trouvaient exclus du marché existant pour des raisons économiques et qui devaient régulièrement se loger dans des communes éloignées.

Dès la décision de libérer les casernes, des groupes de citoyens s’organisent et engagent une réflexion sur l’avenir de ce terrain. L’association « Forum Vauban » regroupe ces initiatives et obtient une reconnaissance des collectivités, qui l’identifient comme un partenaire officiel dans la planification du quartier en 1994. L’association met en place des groupes de travail avec le soutien financier de la ville (40 000 € annuel). D’autre part le Forum Vauban participe à une commission municipale chargée du développement du projet pour le quartier.

Les phases du projet

Un projet d’aménagement se déroule en différentes phases. La participation des citoyens doit s’adapter à ces procédures. La démarche à Fribourg ne pouvait se baser sur des expériences antérieures et il fallait constamment inventer et réagir sur des exigences et enjeux qui évoluent progressivement. Aujourd’hui il est possible d’analyser les différentes étapes de cette initiative.

Le temps des idées et visions (1995)

Les groupes de travail élaborent un catalogue d’idées et objectifs qui a été transmis à la municipalité. Il s’agit du cadre référentiel du projet. Certains groupes de travail ont été dissout après la livraison de leurs travaux, d’autres continuent à se réunir jusqu’à aujourd’hui.

Phase de conseil professionnel et de communication « grand public » (1996)

À la fin de l’année 1995 la Fondation pour l’Environnement (Deutsche Bundesstiftung Umwelt DBU) accorde le financement pour un accompagnement professionnel du Forum Vauban. L’association créer des postes fixes pour l’organisation et met en place une commission d’experts avec la mission de traduire les objectifs et exigences en un plan d’action opérationnel. D’autre part le Forum organise un travail de communication important afin d’informer la population de la ville. Des stands sur des marchés, un magazine de liaison et de nombreuses réunions publiques marquent cette période.

Phase de planification et des premières réalisations (1996 - 1999)

Dès la mis en place des documents de planification de la première tranche d’aménagement, le Forum Vauban organise deux « Bourses de Projets ». Lors de ces journées se sont créés plus de 40 projets d’Habitat Groupé en autopromotion, ainsi que la Coopérative d’Habitants Genova. Ces groupes s’organisent d’une manière indépendante. Certains font appel à un accompagnement professionnel, d’autre pas. Le Forum Vauban coordonne les différentes initiatives et les assiste dans leurs démarches administratives. L’association organise des formations et des voyages de visite de projets de construction écologique et de modèles urbains novateurs.

Dès l’année 1997 le Forum Vauban dispose de moyens financiers européens afin de garantir la traduction opérationnelle et la mise en œuvre des concepts retenus.

vb_pers.jpgProcédures spécifiques adaptées

Certains aspects comme la  « Rue Habitée » (Wohnstrasse) ou l’aménagement des espaces verts ont été discutés dans des procédures participatives spécifiques. Le Forum Vauban a organisé des séminaires et conférences. La méthode « Planning for real » a été appliquée et de nombreux groupes de travail citoyens ont participé à la planification.

Phase opérationnelle et suivi

Les nouveaux habitants et le Forum Vauban ont mis en place dès la livraison des premiers logements un dispositif qui pérennise la participation citoyenne avec l’objectif la création d’un voisinage actif et solidaire à l’échelle du quartier. L’association est devenu ainsi une plate-forme permanente qui agit dans l’intérêt du quartier. Elle a notamment participé activement à la planification et la mise en œuvre du plan de circulation basé sur l’exclusion de la voiture.

L’existence d’un lieu peut être identifié comme un élément décisif du succès de la démarche participative, tout comme la mobilisation des bénévoles et salariés du Forum Vauban ou l’intégration de la participation citoyenne par les collectivités et administration dans leurs processus décisionnels et opérationnels.

Conclusions et conseils

Démarche participative et ressources

La démarche participative ne peut se limiter à une transmission d’une liste de propositions issues d’une enquête publique. L’inertie des institutions et les procédures conventionnelles sont des obstacles qui se dressent contre une volonté politique en faveur de la participation citoyenne. Le potentiel de la démarche réside dans la mobilisation créative et dans la variété des solutions imaginables.  Afin d’atteindre cet objectif, il semble crucial de doter ces projets des ressources financières et professionnelles indispensables à la traduction des idées prometteuses en plans d’actions concrets et faisables.

Le rôle des experts indépendants

L’organisation de la démarche participative à Fribourg est basée sur l’externalisation du processus de l’institution communale par la création de groupes de travail indépendants réunissant toutes les parties prenantes. Cette liberté a permis le développement de solutions nouvelles. Des experts ont été invités à suivre les travaux des groupes avec la mission de garantir la faisabilité des projets. Ce nouveau modèle de planification est à l’origine d’un quartier qui est cité aujourd’hui comme exemple de développement urbain au niveau international.

Du plus petit vers le plus grand

L’intégration des différentes échelles dans le concept global a été un autre facteur de réussite. La création de projets d’Habitat groupé en autopromotion ou sous forme coopérative (ce statut existe en Allemagne) ont été favorisés par des procédures d’attribution de foncier adaptées. L’aspect autogéré de ces projets a permis une continuité de la mobilisation et de la responsabilisation des habitants de leur logement jusqu’au développement du quartier.

Source : Partizipative Stadtentwicklung in Freiburg-Vauban / Ein Bürgerverein als Beteiligungsträger

von Carsten Sperling, Wardenburg (D), 2005

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